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14 août 2008

Stage five dans la bouche (en entier, je prend des risques !)

(La création de ce texte étrange est intéressante. J'avais un fichier texte où j'avais mis un certain nombre de récits courts destinés à être les briques d'un jeu : hypertext. Sur chaque page, un texte. Le jeu commence au niveau zero. Sur ce texte zero, un mot ou expression, en cliquant dessus permet d'aller au niveau un, un texte où cette fois il y a deux liens, et donc deux niveaux deux, ouvrant chacun sur trois niveau trois, et chaque texte est inspiré par le mot qui a servit à l'atteindre, de sorte qu'il peut avoir n'avoir aucun rapport avec les textes précédents, le tout étant une sorte de roman oulipo un peu Burroughsien. Donc dans mon fichier texte, un certain nombre de mots se trouvaient en rouge. Je me suis contenté d'en écrire les uns en dessous des autres, puis j'ai réduit en ne gardant que le premier mot de chaque ligne, et ainsi de suite, le tout révélant une autre réalité du texte qui s'y révèle de manière assez flagrante, et la fin n'est pas sans rappeler les détournements poétiques de Rimbaud : "C'est l'étroite que votre vie immaculée craque." La toute fin est juste un "texte que j'avais écarté et qui s'est retrouvé en bas de page, et que j'ai décidé de laisser à la fin)

Le spectacle des vies intimes suinte des cercueils dérobés.

En gouttes de pluie qui tombent,

La bile noire qu'ils vomissent est la musique de votre vie.

Plus lamentable déchéance, c'est un prêtre alcoolique

Baigné dans la pisse froide d'inconnus de passage.

Orgie gastrique, borborygmes gluants,

Je me sens me remplir d'une pureté immaculée !

Le plus beau tableau du monde est peint de spasmes obscènes :

C'est une pourriture d'apocalypse et sa jupe salie est remontée !

« Ta petite culotte brodée est l'aphrodisiaque de Kapital-Kraken

Mais sa langue de bois est emplâtrée dans son formalisme »

Des trous où eux seuls peuvent se faufiler :

L'étroite langue de terre, animal pudique,

Dans ses danses sensibles ne frotte ses élytres

Que derrière les voiles noirs d'innombrables messages.

Le spectacle en gouttes; la bile.

Plus lamentable; beignet.

Orgie; je le sais.

Ta Médée; l'étroite.

Danke !

Dérobés qui tombent : votre vie.

Alcooliques de passage gluants, immaculés,

spasmes obscènes et remontés; Kapital-Kraken :

« dans son formalisme se faufiler, pudique. »

ses élytres; messages : « bile », « beignet ».

C'est l'étroite que votre vie immaculée craque.

Musique des élytres frottées entre elles. Danses sensibles des antennes. Stridulations des abdomens. Ils grouillent, ils pullulent, se grimpent dessus, ils courent partout. Au milieu d'eux, amorphes et bourdonnant, ils attendent la sentence. « Quand cela finira-t-il, se disent-ils, quand cela finira-t-il ? »

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14 août 2008

Vie et swing d'un compañero sous les bombes (manifestation !)

programme du Tanz Mit Feuer V :

Alors qu'aujourd'hui les crises s'accentuent et se multiplient, une nouvelle fatalité se fait jour en nous, et noircit les coeurs comme les discours. Le progrès, le communisme, les grandes idéologies, les grandes fois se sont perdus les uns après les autres à travers les crises majeures du siècle précédent. Ce qu'ils ont essayé péniblement de construire, aujourd'hui, c'est le profit qui l'a repris.

Et la gradation et l'accélération des crises que ce dernier grand-récit produit laisse à craindre que le siècle nouveau sera la reproduction à l'identique du siècle précédent : comme les autres grandes idéologies, le profit se contente de dérouler une histoire sans aucun souci des hommes, pour développer sa propre puissance et prendre plaisir à en voir la démesure.

C'est à cause de cette démesure aveugle qui écrase l'individu et est incapable de prévoir les difficultés qui s'opposeront à sa marche que nous sommes actuellement dans la période de crise que nous connaissons, à cause des logiques qu'elle a installées que les marins—ces nouveaux Lorrains !— sont dans la rue, que depuis le mois dernier les pêcheurs luttent avec leurs armes, multiplient les actions d'éclat et les coups de gueule, font succéder aux actes de déstabilisation d'autres actes de déstabilisation. Eux-mêmes l'ont dit lorsqu'ils ont manifesté à Bruxelles au début de ce mois : s'ils doivent disparaître, ils ne le feront pas sans se battre ni sans faire de bruit. A cause d'elles aussi, la France entière se retrouve dans les rues à crier son mécontentement, lycéens, routiers, taxis, et tous les autres avec eux parce que l'épuisement des ressources rend leur situation impossible et que tout ce qui leur est réservé ne semble pouvoir les mener qu'à leur perte.

C'est dans ce genre de contexte que le Tanz Mit Feuer prend tout son sens ; ce mini festival n'est pas qu'une simple succession de concerts, mais est la continuation artistique de ce qui se passe actuellement dans les rues ; c'est, à sa manière, une manifestation, une protestation, le cri de révolte d'une humanité blessée, celle à qui, jetée à terre, il ne reste plus que la voix et les poings, et qui exprime chaque jour avec plus de force son rejet de l'état actuel du monde. Mais bien plus qu’un simple écho de cette volonté, de cet élan nouveau, le Tanz Mit Feuer est en lui-même une action au même titre que toutes les autres. Il éclaire cette volonté et la représente loin des revendications liées à un corps de métier ou à un statut menacé mais met l'accent sur ce qui semble passer ailleurs au second plan et qui est au moins tout aussi menacé : l'individu lui-même, et représente une occasion idéale de créer une situation qui permette, dans la fête—seul moment où cela est possible— de baser son rapport au monde sur autre chose que le comportement automatisé imposé par l'époque, ce comportement de consommateur basé sur le profit, qui nous fait chercher la simple accumulation de signes et à recevoir passivement la musique d'un groupe, au milieu des autres mais en réalité muré dans sa solitude.

Ce soir est l'occasion de vivre, l'espace de plusieurs heures, une expérience commune, d'être détendus, tous réunis autour d'une même passion, d'aller à la rencontre des autres, autour d'un verre ou d'une photo, de tisser avec eux des liens d'une minute, d'un soir ou moins éphémères, de découvrir, non seulement qui ils sont, mais surtout la possibilité d'un autre rapport au monde, fondé sur le partage et une joie sincère éloignée des méfiances quotidiennes, d'abord limité à ce seul espace de fête, exceptionnel par essence, mais qui ne demande par la suite qu'à être adopté au quotidien car un tel comportement est la base préalable à tout changement plus important.

14 août 2008

Vie et Swing d'un Compañero sous les bombes (part Two : Et nous danserons avec le feu)

Je Compte les heures. Et les minutes et les secondes.

Des images me reviennent de la troisième édition. Des flashes. Un trailer...

Le temps s'écoule, imperturbable.

Le tic-tac lointain des horloges épuise le temps progressivement, minutes après minutes, heures et puis jours, comme un lent et long compte à rebours. Les trotteuses de toutes les montres du monde trottent en rond à défaut d'avoir autre chose de mieux à faire dans cette attente impénitente; c'est comme si l'univers entier attendait comme moi le grand moment, et tournait vainement en rond comme un lion en cage attendant d'être enfin libéré.

Plus qu'un mois...

Je regarde le ciel, aussi vide et inintéressant que le flot de mes pensées, et une brise légère balaye au loin toutes les scories de l'ennui, sans jamais faiblir. J'attends ...

J'attends que le temps passe, et pose mes yeux vides sur le cadran de ma montre, son tic tac régulier berce ces heures creuses où tout semble s'enliser dans un quotidien toujours plus terne. Je prie simplement pour que quelque chose arrive, pour qu'après ces instants figés et calmes éclate enfin la tempête.

Encore un mois avant que cette tempête éclate enfin. Et je me plais à en imaginer le spectacle.

L'orage éclate dans le ciel et derrière le tonnerre monte la rumeur des lourds bombardiers. Les sirènes hurlent dans la nuit, annonçant le début des hostilités. Les hommes courent et crient de joie sous les pluies acides, heureux de pouvoir rompre, ne serait-ce que pour une seule soirée, avec la triste monotonie de leur vie, et les voilà qui lèvent les mains au ciel avec de grands sourires complices illuminant leur visage comme s'ils accueillaient le cadeau des dieux, tous rassemblé en un même lieu pour ensemble danser sous les bombes, comme si toute leur vie n'était rien d'autre que l'attente de ce seul moment, ce seul moment où tout explose autour d'eux et où les pistes de danse bombardées s'embrasent à chaque nouveau son, peut importe qui le lance. C'est comme un parfum d'apocalypse qui aurait pour nom Harsh Punk.

Tant pis si certains ratent cette unique occasion de se sentir enfin vivre, et exister.

Dans les trinitaires rôdent déjà les esprits de ceux qui seront présents, ils se retrouvent dans le hall autour du saladier de Sangria, noircissent progressivement l'espace sur fond de drônes lancinants ou d'électro indus, discutent joyeusement entre eux, cagoulés ou non, commentent les derniers concerts, les dernières photos de concert, formes imprécises qui échangent leurs souvenirs de la dernière édition du Tanz Mit Feuer et se questionnent sur les groupes à venir. Rapidement, tout n'est plus que présences diffuses envahissant la piste de danse dans cette ambiance surannée de bunker. Ils s'avancent dans la fumée des gaz vers la lumière rouge des gyrophares, quand les premiers beats saturés explosent en éclats de shrapnels qui leur vrillent les tympans. Déjà les premiers s'agitent et occupent les dance-floors bombardés, rapidement suivis des autres, qui ne désirent pas être en reste. C'est une liesse populaire, une transe commune qui habite tous ceux présents qui hurlent d'une même voix, qui dansent d'un même corps sur les alarmes vociférantes, les rythmiques concassées et les guitares acérées, qui souffrent d'une même douleur. Certains meurent écrasés entre la pression de la fosse et le mur du son, et à l'odeur de leur défection s'ajoute celle plus âcre de la sueur de ceux qui résistent tant bien que mal et restent debout pour un final apocalyptique, long, lent, répétitif, intenable auquel se superposent des bribes de conversations et des prêches à destination des survivants qui surplombent ces territoires dévastés. « La lorraine est une vallée de lärmes et tous nous y sommes pour souffrir. »

Après un court moment de répit, la foule compacte qui a à peine le temps de se remettre de ses émotions doit faire face à de nouvelles offensives.

Je me souviens des guerres passées, et colle mes souvenirs à mes espoirs et expectatives pour imaginer ce que seront ces moments uniques.

J'étais là quand FYD a occupé l'Austrasique à en faire trembler les murs avec leur set harsh noise sans pause, sans temps mort, violent et agressif à souhait, mélange de rythmes groovy destructurés et de hurlements désespérés. Leur album Defied tourne à nouveau dans le lecteur, histoire de raviver les plaies, et je caresse ma douleur dans l'attente impatiente d'une nouvelle confrontation avec ce groupe, un des plus impressionnants qu'il m'ait été donné de voir. Je les vois déjà parachuter leurs machines sur la scène déserte et commencer à détruire ce qui a eu le malheur de survivre dans un assaut harsh noise core qui repousse à nouveau un peu plus loin les limites. Toutes les limites.

Encore Vivant? Plus pour bien longtemps ...

Et dans un chaos sonore incomparable s'écrase un nouveau chapelet de bombes sur les troupes de harsh punkers qui décidément n'en demandaient pas temps, plaçant chacun d'entre eux face à sa propre mort sous les injonctions répétées du groupe. Fuck you die, Fuck you die... C'est comme une litanie noise industrielle ...

Une nouvelle rage gagne la foule pendant que des vagues de désespoir hurlées envahissent l'atmosphère saturées d'images et d'odeurs rances de cette zone d'autonomie temporaire particulièrement maltraitée. FYD écorche à vif les résistances humaines dans une stratégie d'attrition où les pistes ambiantes crades et saturées sont plus assassines que les explosions de violences qu'ils ne s'interdisent jamais.

« Pourquoi finissons-nous tous par devenir ce qui nous fait le plus peur ? »

La question reste en suspens alors que tout tabou et inhibition a sauté, et les pans restés intacts du lieu sont maintenant attaqués par ses occupants même sous les rythmes tribaux d'une techno industrielle survoltée balancée sans sommation par Twinkle qui poursuit le tour de piste Audiotrauma. Toute la structure du bâtiment frissonne alors que les machines martèlent leurs beats électro harsh, des voix résonnent dans le vide ambiant reprises en écho, posées sur des nappes de synthé et autres mélodies envoûtantes entre deux ruptures de rythme et une montée de sons plus distordus que jamais.

J'en vois déjà partir, s'aérer l'esprit, succomber finalement à ces assauts répétés au risque de rater le meilleur. D'autres en dépit de la douleur et de la fatigue qui commence à se faire sentir poursuivent tant bien que mal leur périple insensé dans les vastes contrées du bruit, en compagnie cette fois de IO venu spécialement de Berlin pour l'occasion qui les laisseront se perdre dans leur Bunker Noise, mélanges de boucles de sons trafiqués et déconstruits sur lit d'infra-basse auxquelles s'ajoutent tour à tour hurlements de haine ou chant mélodieux. Et si dans ces territoires sonores dévastés les sirènes ne semblent hurler qu'au lointain, ce n'est peut-être que parce que tout le monde ici a fini par être définitivement sourd, et c'est sans audition mais pas sans plaisir que les plus résistants reçoivent comme un ultime cadeau et une récompense pour leur persévérance les pistes ambiant de Sonic Area, qui règne maintenant sur une salle dévastée et clos la soirée avec ses explorations sonores plus posées mais non moins torturées que celles qui précédèrent, tantôt mélodiques, tantôt lancinantes et sombres et qui accompagnent naturellement la fin de la soirée, reconduisant les êtres vers des moments plus calmes et silencieux, et une nouvelle année d'attente en vue d'une cinquième édition où les fantômes transparents du quotidien pourront à nouveau enfin prendre forme humaine l'espace d'une soirée.

14 août 2008

Vie et swing d'un compañero sous les bombes (part one : Muckrackers et les TDB, huhu) part 2

Interlude :

Ha, c'est toi Kultur-industrie, c'est toi qui passe ta vie à écrire !

Euh .... oui ?

Mais dis moi, quand t'es à un concert, tu as ton carnet sur toi pour noter des idées, ce qui se passe ?

surtout pas. Tout compañero vu en train d'écrire à un concert serait fusillé comme déserteur, et la famille de la victime serait exécutée à son tour.

C'est vrai ?

Non. Au concert, on crie on hurle, au saute partout et on se déchire le t-shirt. Enfin, ça, c'est la version officiel. En fait, chacun fait ce qu'il veut, et après, on fixe sur papier la version officielle, que l'on expose sous forme de reviews. Tout ça, c'est de la propagande, de la littérature, ce n'est en rien le reflet de ce qui s'est passé ce vendredi.

Vie et swing d'un compañero sous les bombes (reprise des négociations).

On rentre, on file devant la scène, K*ro revient après avoir dû surveiller le stand le temps d'une clope, puis d'autres occupent l'espace, sans la cagoule cette fois. LaVerge est là, Negative arrive, discutent, puis repartent. Rapidement, la foule dévore tout l'espace, les tambours du bronx tardent à se montrer, il font durer un suspense qui n'a pas lieu d'être puisqu'on sait tous qu'ils vont venir. Les gros bidons sont installés, la lumière s'éteint, les gens hurlent, moi, j'éructe. Bah, c'est bien beau de crier maintenant alors qu'il n'y a encore personne sur scène. C'est dingue de voir comment une scène vide peut recevoir plus d'applaudissements qu'un groupe qui joue. Il y a des choses qui me dépassent. Le groupe arrive, les premiers sons arrivent dans l'ombre, les musiciens dans la lumière et sous les applaudissement, qui sonnent comme des bandes enregistrées. Puis les premières compos, très tribales, se succèdent, c'est déjà bien impressionnant, pourtant, rien n'a encore commencé. Un des type se met devant et balance des bidons à droite et à gauche, il tape du poing dessus, ça devient la folie dans la fosse. Enfin, la folie... Une espèce de grande asperge en T-shirt vert agite les bras en l'air avec un air radieux sur son visage de phasme, je me plie en deux à cette vue, j'ai envie d'en mourir de rire. Il crie, « c'est quoi ça personne ne bouge ! aller ! » Je lui dit « et tout à l'heure alors, quand il fallait bouger, t'étais où ? » alors que j'ai envie de lui dire « Ah, parce qu'en bougeant tes bras au dessus de ta tête comme des algues molles au risque de t'assommer, tu trouves que c'est bouger son cul de manière crédible ? » Monsieur n'a pas aimé les muckrackers. Monsieur et moi, nous n'avons pas les mêmes valeurs. Des copains à lui se ramènent, ils se jettent les uns sur les autres et les uns sur d'autres, et ils dérangent tout le monde. Je ne vais pas leur accorder plus de mots, mais ils étaient tous différents, mais tous caricaturaux, façon Benetton. La musique devient plus sauvage, plus brutale, j'essaye de bien rentrer dedans, mais avec les autres lourds là, qui me rentrent dedans, c'est franchement pas facile. Quoi, c'est votre revanche sur nous, là, que vous prenez ? Ça en à l'air en tout cas, ils se jettent avec une agaçante régularité sur les membres de la petite troupe. Goat descend, reste un peu, repart. Tout le monde autour de moi se met a danser, à onduler, a se balancer, à se jeter d'un bout à l'autre de la salle. C'est la fête, ça sent la sueur et d'autres choses, bordel, c'est qui qui a vomi ???

Puis enfin, ils annoncent la dernière chanson. Tout le monde crie, les tambours en demandent plus, on se croirait dans un concert de rap bas de gamme : « Faite du bruit, tout le monde la main en l'air, faites comme ça, faites hé-hé, ho-ho, tout le monde tape dans ses mains », là, ça fait très amadou et Mariam. Une chanson longue, et ils partent, tout le monde crie. Les lumières restent éteintes, je crois qu'il y a encore du son qui tourne, les gens crient, puis ils reviennent. Je crois que ça s'appelle un rappel... Nouvelle chanson qui pour moi est en tout point identique à la précédente. Je commence à trouver le temps long, puis encore 5 minutes de parlote entre les chansons, nouvelle chanson de rappel. Toujours le même bordel, toujours la même baisse prodigieuse d'intérêt. Ni une, ni deux, mais trois, j'en ai marre et sort de là. Des têtes étonnées me regardent sortir, l'air de dire : « hé petit, c'est pas encore fini tu sais ». « Merde. Vous ne voyez pas à quel point c'est devenu chiant ? »

J'arrive dehors, m'adosse contre le mur, j'attends que les gens sortent. Je ne manque pas de regarder alentours. Je crois voir une crête ou un truc du genre, une tête un peu ronde et sympathique. Je me demande si je connais... Puis je vois d'autre têtes apparaître dehors, et un bras faire un mouvement de vague à mon attention. Je me redresse, avance, je sors dehors et rejoins Negative, Jeep, LaVerge, Goat et tous les autres qui sont là. « Bah alors, tu reste tout seul ? »

Bah oui, quelle question, toujours... Non, mais c'est pas voulu, j'attends la fin. J'échange mes premiers avis sur le concert. J'essaye de prendre part aux discutions. Je vois les foules dégueuler hors des portes de la salle, je vais de droite à gauche essayer de voir les gens, évidemment, dans ce flot noir et humide, je ne vois personne. Je fais de nouveaux aller-retours, puis retourne au point de départ, près du petit bar. Je reste un peu, ça discute, moi, je m'ennuie. Je commence à sentir la fatigue peser, j'attends que LaVerge ait fini de parler et lui glisse un rapide au revoir, petite tournée de poignées de mains auxquelles je ne suis pas habitué, puis je prends mon chemin vers la maison. Dans la rue, une grosse dame se vante d'avoir entendu un des chanteur mentionner Dark Vador. Et elle en rie. Moi, je souffle de dépit, ce truc, j'aurais préférer ne pas l'entendre ...

Et revoilà Cyril sur les voies du tram, tout douleur et contusions, tout sueur et toute voix cassée sur le chemin de la maison. Il est quoi, deux heures du matin, un truc du genre. Et le chemin se fait à pied, dans la nuit et la solitude. Dans ces moments là, je chante.

"J'erre seul dans les rues sombres ..." La voix cassée, ça me donne une voix à la Peter Murphy, j'adore ma voix dans ces moments là, c'est magique. Seul au milieu de la nuit à chanter des conneries qui vous passent par la tête ou "small talk stinks", quelques bribes d'autres chansons tout aussi atemporelles, ou en passe de le devenir. S'arrêter sur un pont et regarder des flots noirs disparaître au loin dans la nuit, charriant parfois des choses ou d'autres. Prendre le temps de goûter pleinement le silence et d'en profiter. Le silence à un goût sucré et suave, on y aspire malgré tout, et toutes les merzbox du monde ne pourront pas dire le contraire.

Tout bon concert devrait se finir par une marche silencieuse dans la nuit solitaire.

14 août 2008

Vie et swing d'un compañero sous les bombes (part one : Muckrackers et les TDB, huhu) part 1

Introït :

Tout bon concert devrait commencer par un accident.

Regarde l'univers.

Une explosion fortuite dans le laboratoire du vide et la matière, en un éclair, est expédié dans toutes les directions sur fond de drônes lancinants. Poussières d'un monde en devenir, poussières d'étoiles qui errent, qui se rapprochent et se fondent en amas de plus en plus gros.

L'abstraction en peinture est née uniquement parce qu'à cause d'un accident fortuit qui n'aurait pu n'être qu'anodin dans son atelier, Kandinsky ne reconnu pas un de ses propre tableau en entrant et fut saisi d'effroi, de curiosité et de tout un tas de sentiments mêlés à la vu de ce tableau qui en apparence ne représentait rien, qui n'était que couleurs éparses sur une toile.

Ce concert aussi est précédé d'un accident. Une collision, pour être plus exact. Et au jeu du pot de fer et du pot de terre, ce n'est pas forcément celui que l'on croit qui cède en premier. Cela nous a légèrement retardé, mais rien de grave semble-t-il. K*ro me réceptionne donc en voiture après ces légers désagréments, nous roulons, nous nous garons, puis enfin nous arrivons à la salle. Il y a déjà Ludo, et d'autres qui attendent au stand. Nous on arrive, tout sourire, tout badge et toute démarche nonchalante.

_

Notre premier réflexe est donc de se diriger vers les têtes connues et reconnues, au stand. On commence à discuter, je ne sais plus de quoi, on raconte nos dernières mésaventures, on commente les photos de Ludomega de Marlenheim, ce dernier fait des catastrophes, et se retrouve contraint d'éponger. J'ai pas trop de conversation, j'écoute surtout, j'aimerais m'en excuser, mais non, il n'y a rien de plus inutile. On discute, on consomme, coca pour les deux nouveaux venus. Ça se poursuit ainsi, je remarque que déjà des gens font la queue devant la salle. Je me dit que ces mecs ont un problèmes, que leur montre avance, un truc du genre, on me rétorque direct que c'est un gros concert, que c'est comme ça. Moi j'ai pas l'habitude, à l'austrasique, il n'y a jamais de queue, il n'y a même jamais de monde ... Maintenant, il n'y a même plus de concert...

On continue à attendre, à discuter, puis on se rend vite à ce que l'on considère alors comme l'évidence : il vaudrait mieux que l'on se jette maintenant dans la queue, sinon, on risque fort de se retrouver loin de tout, serrés comme des sardines au milieux d'inconnus suant qui nous masqueraient la vue. On plaisante, on attend, on discute, on attend, on plaisante, on avance : je sors de ma poche les Minima Moralia d'Adorno entre les pages duquel les deux places pour le concert sont protégées de tout désastre, de toute déchirure inopportune, je sors les places, on passe le barrage, tampon sur la main, on passe les portes. La salle est vide. (WTF). Tout le monde s'est parqué comme du bétail sur les gradins, ça, c'est l'hérésie suprême.

C'est un concert, bordel, c'est pas l'opéra ici, vous avez vu des dorures et des rideaux rouge en quelque part ?

Peu importe, ça nous laisse toute la place et le loisir de bien nous positionner dans l'espace vaste et vide de cette grande salle noire. Ça se rempli peu à peu, Ludomega nous rejoint après avoir fait la queue, L'ami de Paris (pas moyen de remettre la main sur son pseudo ...) lui, est passé par les backstage, par la scène pour nous rejoindre. Héhé, les joies du "all-access". Ce genre de joies que je ne goûterais jamais ...

ça se remplit toujours, on échange quelques mots. Mon coeur commence à battre plus fort, je serre ma cagoule toujours dans la poche, pour une fois, j'ai consenti au port "massif" du badge. Histoire de marquer le coup. Mes jambes commencent à trembler, une vague de chaleur commence lentement à m'envahir, je me prépare au grand moment. Je crois que cette montée d'adrénaline, cette attente, est un des moments que je préfère dans ces concert. Chacun regarde autour de lui, inquiet ou confiant, dans l'expectative ou dans l'impatience, néophytes complets et auditeurs/spectateurs confirmés tous indistinctement excités.

Je regarde les gens. Des types, des femmes et des gamins qu'on croise plus sûrement dans les grandes surfaces un samedi après-midi et dans les publics des émissions de tf1 qu'à un concert où je suis susceptible de pointer le bout de mes mèches blondes, tout ça me rend triste. J'essaye de me souvenir de mon premier concert des mucrackers, mon tout premier concert. Mon tout premier contact conscient vers les musiques dites industrielles, j'essaye de me souvenir cet étonnement premier, ce premier choc frontal avec le mur du son, mes premières détonations psychiques destinées à balayer toutes mes intellectualisations frauduleuses de la musique. Je regarde tout ces gens donc, et en dépit de leur cellulite et de leurs varices, je les envie.

Je vois la tête cagoulée de Negative apparaître, se pencher sur la guitare, faire quelques derniers réglages, des voix derrières moi évoquer entre eux le délire médiatique bas de gamme de la saison passée (mais bien foutu quand même, il faut dire ce qui est) en un slogan que je n'avais plus entendu depuis les fêtes de Noël : « Fous ta cagoule, fous ta cagoule » ...

C'est drôle? Non. Ok. Verdict : Délit de non-initié.

Condamné à une perte de trois points d'audition à l'oreille droite, et à 4 environ à l'oreille gauche. Toi et tes amis, et ta famille, et toutes les personnes autour de toi. Délit de non-initié, peine capitale. Quelques derniers réglages, quelques dernières secondes de répit et les trois bourreaux arrivent pour exécuter la sentence avec leurs armes habituelles en une frappe chirurgicale comme présentée dans le Split Biological War. 3 .... 2 .... 1 .... souffle ... souffle .... bruit blanc

ça y est, je sors ma cagoule, l'enfile sur ma tête, ajuste les trous sur mes yeux et ma bouche. Je lève le poing, je plante mes pieds dans le sol pour éviter que mes jambes ne flagellent de trop, une main dans le dos car je trouve que ça fait classe. Et je chante. J'ai passé ma semaine à chanter ce chant des mineurs pour être prêt pour ce concert. Shooter arrive en speed et se jette sur moi. Salutations entre compañeros, chacun étudiant la cagoule de l'autre. non, la mienne n'est pas décorée... Le chant des mineurs se termine, on hurle. On applaudit, on mouline du poing, on éructe sur les premiers larsens, les premières notes, les premiers beats saturés, les premiers mots scandés, tout ce qui est premier nous arrache une réaction, un mouvement ou un son. Ce soir, il faut que ce soit sauvage.

De nouveaux cagoulés arrivent en piste. Nadaslovia, David et Jeep. D'autres ? Je ne sais pas. On est tous à fond, on saute, on bouge, on swingue, on a tous qu'une seule idée en tête, offrir un spectacle total à cette foule médusée qui se déchire entre envie de crier au scandale ou de rire de tout ça. Le rire. C'est ainsi qu'on masque sa gène en Lorraine. On rit. On appelle ça le désespoir. Des oreilles se bouchent, des gamines pleurent, des bombes sonores tombent sur ces âmes perdues les unes après les autres, et seule une poignée d'irréductibles dansent et s'en réjouissent visiblement. On appelle ça le chaos.

La scène est magnifique, des logos blancs sur fond de drapeaux sombres partout, un trio qui se donne à fond parce que tout doit être plié en une demi-heure à peine, un LaVerge qui doit se contenir, jouer le front-man calme et assagi, mais qui trouve quand même le moyen de se démarquer. Monté sur un énorme fût, il surplombe l'assistance et lui hurle dessus. Devant lui, les émigrés de la culture, tous dans le même bateau rouillé départ de TF1, arrivée dans les profondeurs sombres et anxiogènes de l'industrial harsh punk lorrain, par 40 000 brasses de fond dans le monde du silence qui n'attend qu'un raz de marée pour s'abattre sur les foules défaites, et qu'on appelle underground. Une plongée dans un enfer vert nausée et bleu douleur des coups reçus comme jamais Nicolas Hulot n'a osé en présenter dans ses émissions.

Vous êtes des colons les mecs. Devant vous LaVerge fait office de Statue de la Liberté. On vous laissera sauter par dessus bord avant d'arriver dans nos contrées inhospitalières, mais acceptez d'abord de souffrir un peu.

Le chaos se poursuit, imperturbable. Plus de nouveaux morceaux que j'ai eu l'habitude d'en entendre, ça fait énormément plaisir. Ce sont des bombes inconnues qui s'abattent sur notre petit dancefloor, et on redécouvre un plaisir depuis longtemps oublié : celui de crier de joie à la nouveauté, d'entendre des sons inconnus et de danser avec eux malgré tout, de s'en envelopper, de forcer son corps à se plier à de nouvelles cadences, de s'ouvrir à de nouveaux sons et chants alors même que depuis toujours il a formé ses transes sur d'autres moules, et sentir enfin cette douleur nous prendre les jambes, les bras, le cou, nous prendre à la gorge à force d'esquiver dans d'infinis contorsions et mouvements incohérents des sons à nos yeux devenus solides dans l'espace et qui viennent frapper la foule qui refuse de fuir devant tout ça. Je regarde vers la scène, les instruments volent dans tout les sens, c'est un joyeux bordel comme on aimerait en voir plus souvent. J'ai mal. J'ai ma fierté. Je refuse d'être vu en si mauvaise posture. Je me retourne pris par la honte, vois cette foule amassée vers le fond. Non, l'occasion est trop belle, pour une fois, je m'éloigne du spectacle de la scène la tête haute, les plans d'une nouvelle mission se dessinant dans mon esprit maltraité. Je vais dans la foule des gens qui se demandent encore ce qui se passe. (T'as_t'as pas compris !? Les muckrackers tapent comme un type devenu aigri !) Ils me voient arriver, ils se hurlent des apartés (hahaha, j'entends tout), me pointent du doigt. Je me retourne et danse au milieu des foules incrédules. Je les enjoint à s'approcher, je hurle et je crie, je danse de plus belle, j'en prend un ou deux à partie, comme ça, pour le fun, je prends un pied fou, je me dis « à quand la prochaine comme ça? », je les regarde et leur crie dessus, en avant bordel ! Je vais même jusque devant les gradin, je vais partout, et je reviens devant à moitié nu tellement je crève. Le cagoulé reviens au coeur de la fosse avec les compañeros. Là, j'avoue, j'ai du mal à suivre, je me jette par terre devant des gens qui ont suivi nos appels, eux histoire de mieux profiter du spectacle, moi histoire de souffler un peu. Ma rangers tape le sol. Klunk !

Klunk ? Mais depuis quand le sol fait klunk ici ?

Je me lève. Regarde une cagoule aussi étonnée que moi, qui regarde le sol, moi, le sol, lui, et on se lance un sourire entendu. (WTF) On attend le prochain beat, on le sens arriver, ça tremble déjà dans nos tripes. KLUNK ! en rythme, un son qui fait de se dresser une paire de cagoules câblées sur la noosphère estampillée Rot Front qui fait voler au dessus de la stratosphère l'information que des plaques de fer sous nos pieds nous permettent de mettre notre semelle dans la compo en court autrement qu'en criant simplement. Et trois quatre compañeros alors tapent du pied en rythme sur ce sol de fer. Klunk ! Klunk ! Klunk ! Klunk c'est beau quoi, c'est du Beinhaus ! Et on tape du pied et on se tape la tête à deux main, douleur, bande annonce lointaine du sample final : merde, ça ça fait mal.

Chanson finie, ce trip fini, persiste le souvenir et ces lignes.

Et ce son gravé dans nos mémoires. Bientôt, set fini aussi. Arrive alors la dernière chanson, je me dirige vers un type qui prend visiblement plaisir, qui était là le jour où les white dolls étaient passé à l'austrasique. Petite larme pour l'austrasique. Je lui intime l'ordre de hurler sa joie car c'est la dernière chanson. On voit tout de suite le mec qui est sorti de Guantanamo et qui a résisté aux tortures à base de disques de noise. Le mec n'a pas lâché un cri, j'ai l'impression d'avoir perdu toute ma vitalité et ce pouvoir que les gens m'enviaient tant. Déjà les larsens, déjà le groupe part, déjà les soupirs de soulagement et quelques espoirs pour certains. Mais moi sans espoir, je sais ce qu'il en est. C'est fini, et ça fait mal, ça fait mal, ça mal, oui, bon, nous, ça nous fait chier surtout, mais 30 minutes, c'est 30 minutes. On sait tout ça mais ça ne change rien. On voit d'un coup Negative revenir, on nous aurait menti ??? Ah bah non, pas de rappel, ça débranche à tour de bras et se refaufile vers le fond. Lumière, terminus, tout le monde descend, les gens dans leurs comportements automatisés gardent le cap, son, on reste même si ça plaît pas, curiosité de 5 minutes, ok, curiosité de 30 minutes, lâcheté. Plus de son, on va au bar, ou dehors. Spectacle, on rentre, même si ça ne nous plaît pas. On ressort. C'est fini. On consomme. On rerentre, ça ne lasse personne. Moi, je me vide deux petite bouteilles d'eau en discutant avec Shooter et les autres, ça parle musique, ça parle d'autre chose. Rapidement on regagne la salle. Goat arrivé trop tard a raté le set des Muck'. On ne se moque pas de lui, ce n'est pas le genre de la maison.

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14 août 2008

Vie et swing d'un compañero sous les bombes (part zéro : on voulait rouler sous les tables, mais elles étaient trop basses)

Je passerais sur l'épisode où je rate rue et bar pour m'égarer, et où un providentiel cyber-café me permet de retrouver l'adresse exacte et le nom du bar, parce que cet épisode est pas très glorieux.

La quincaillerie, sans être spacieux, n'est pas le lieu le plus exiguë que j'ai eu l'occasion de voir, la déco est sobre, les murs "tex-mex" du rouge sombre un poil orangé avec par-ci par-là les défauts d'enduit qui montre que c'est fait main et truelle. La classe. Les canapés son moelleux et confortables, mais il y a trop de coussins à mon goût. Les tables basses, noires, carrées, très basses, ne collent pas vraiment avec le reste des meubles, mais personne ne semble s'en formaliser alors je me tais. L'endroit est agréable, la musique pas toujours très heureuse, contrairement aux gens bien alcoolisés qui occupent le reste de la salle et qui offrent parfois une distraction à celui qui s'ennuie.

J'arrive tout juste à l'heure, vient ensuite Nasdalovia, puis le reste de la joyeuse troupe au compte-goutte. J'aime bien cette expression, je ne sais pas pourquoi. Bref, passons. On s'installe on boit un verre ensemble, on commence à rire, tout se passe bien. Je ne me souviens ni de tout le monde, ni de tous les pseudos, et je ne sais pas forcément qui se cache derrière quoi, ce qui fait que je ne pourrais pas aller dans tous les détails de la soirée, du moins pour ce qui est de la présence des compañeros, comme on dit par ici. sur d'autres sujets non plus je n'entrerais pas dans les détails, mais pour d'autres raisons.
La première chose à noter est la présentation d'un nouveau petit fanzine, spectaculHere, crée et conçu entièrement par Shooter, avec une interview des Muckrackers, quelques chroniques cd et des annonces lives. L'objet est sympa, court, certes, mais c'est toujours une bonne surprise.
Au début, il y avait donc Shooter, nada', Negative comme une image et Je-ne-connais-pas-son-pseudo-je-m'en-excuse, et l'ambiance est là, quelques vannes fusent, des verres se vident, les conversations sont difficiles à se lancer, mais ça se profile et ça s'annonce bien.
Bon, évidemment, comme je suis moi, j'ai toujours cette gène qui me fais faire et dire toujours un peu n'importe quoi, à en faire trop même quand je fais rien, et à focaliser, l'espace d'un moment, aux dires de certains, une partie de l'attention, ce qui me gêne encore plus, m'amène à en faire trop, mais si cela se trouve, ce n'est qu'un élément dans ma paranoïa teinté d'érotomanie, et peut-être que tout cela n'a pas été et que j'ai bel et bien réussi à me fondre dans le cuir du canapé sur lequel j'étais assis, ou affalé, cela dépend des moments.
Puis arrivent toute une flopée encore de personnes d'un coup qui surcharge le petit coin qui nous était réservé, et là, au contraire, cela devient festival, comme on s'y attendait tous. Ça discute, rie, boit dans tous les coins, des appareils photos mitraillent la compagnie, certains posent avec plaisir alors que d'autres se planquent avec empressement. Il y a des mouvement de foule qui vont d'un sofa à un autre, d'un convive à un autre, toujours des verres se vident et d'autres tournent, et sur la table noire trônent en bonne place les boîtiers rouges des chansons de la guerre froide, mais j'y reviendrait. L'ambiance est joyeuses, et celui qui tend l'oreille à pu avoir quelques informations sur le prochain Tanz Mit Feuer 4, le titres en court et tout. Puis, vers 2 heures, il a fallut dégager, tout le monde s'est levé, on a débarrassé et payé tant bien que mal, certains sont partis dans une direction, beaucoup dans l'autre. D'autres encore étaient déjà partis. La soirée s'est donc prolongée comme elle à pu en compagnie de La-Verge dans le droit prolongement de ce qui à précédé, mais cette fois les bouteilles avaient remplacé les verres, mais c'était sensiblement la même chose, en moins bruyant peut-être. Puis on a fini dehors devant la Mjc, à écouter dans le froid du Costes toujours la bouteille à la main pour les irréductibles, les conversations se sont poursuivies, puis arrivé 5h15 environ, abandonnant mon occupation du moment, celle à laquelle je me livre le plus souvent (m'installer dans un coin, me faire oublier et tendre une oreille attentive à tout ce qui se dit sans en rater une miette, ce qui est toujours instructif), je me suis levé, ai dit au-revoir à l'assemblée et suis rentré chez moi à pied en regardant les premiers trams de la journée commencer leurs tours à vide.

Chansons de la guerre froide est bien sympa, bien bon, je l'ai écouté une fois, je peux pas encore en dire plus, mais il s'écoute bien, et c'est vladivastok blues pour le moment qui m'a fait le meilleur effet, ce qui n'ote en rien la qualité du reste. Bref voilà, c'était plaisant, comme une soirée entre pote, mais avec essentiellement des "inconnus", que des bons souvenirs en somme.

14 août 2008

... et de béton

Et nous voilà au milieu des foules d'hommes aux mines défaites, titubant dans les rues, ne sachant même pas où aller dans la pluspart des cas. Nous nous laissons porter par ces foules, débris charriés dans les flots humains et loqueteux qui se déversent dans des rues qui m'ont tout l'air d'être de vastes égouts à ciel ouvert traversant la ville, dirigeant le flot vers les trous où se cacheraient volontiers les hommes pour mourir, loin du regard de leurs semblables, s'ils avaient été des oiseaux plutôt que des macaques. Ici, Tout empeste la ruine et la désolation. Il n'y a plus rien à sauver, tout le monde le sait. Déjà qu'il n'y avait plus rien à faire... Tout le monde ici se sent libre de se laisser aller, libre de se montrer tels qu'ils sont en cette heure tardive, misère anonyme, fugitive, qui ne se laisse encore percevoir que par l'odeur fétide du repentir qu'ils vomissent publiquement, de concert, par groupes entiers sur le pavé crasseux. Plus personne ne s'épuise en de vains efforts pour continuer à afficher le visage fiévreux du plaisir, l'expression sûre du fier conquérant qui brave sans faillir tous les défis de la nuit. Masques de nos réussites futiles. Tous les visages autour de nous expriment le même abandon las, et le même soulagement. Couloir d'innombrables miroirs, foules d'hommes en chacun desquels je reconnaît mon reflet. Foules fatiguées au coeur desquelles personne ne prend plus la peine de marcher. Ici, tout flotte. Ici tout se laisse porter, paisible, tout dérive dans l'expression la plus parfaite et lamentable de l'alcool. Cinq heures. L'heure la plus éloignée qui soit des mascarades quotidiennes. C'est à ce moment là seulement que l'on peut apercevoir le vrai visage de l'alcool, et c'est un véritable spectacle pour quiconque peut encore en profiter.

Tout autour de nous, Nancy. Nancy qui touche à sa fin, Styx de béton aux relents putrides. Et tout au fond de nous, mémoire Archéon du corps, des jambes endolories qui seules se souviennent, accompagnant la fête dans sa dernière demeure. Traînant dans leurs barques de chair les esprits démolis et abîmés d'un bout à l'autre de l'enfer, visite guidée tous frais payés de la déchéance la plus totale. Et Tout le monde attend les heures précieuses où ils ne seront plus que des fantômes dans la poussière, je peux le lire dans leurs yeux. Fantômes mourant de ne pouvoir dès l'instant boire l'oubli délicieux aux sources même du Lethé, afin de renaître une interminable semaine après à de nouveaux plaisirs. Tous aussi funestes que les précédents. Si ce n'est plus. Et assurément, ce seront des hommes nouveaux qui lèveront le verre le samedi ou le vendredi prochains, qui le lèveront le coeur en joie dès le jeudi pour certains, des hommes nouveaux, délestés du souvenir de leur déchéance, comme des pécheurs après leurs confessions douteuses aux exhalaisons putrides dans lesquels, médusés, ils retrouvent les derniers souvenirs de festins oubliés qui seront à jamais effacés par la pluie, larmes abondantes du Seigneur pleurant sa création, nous pardonnant tout dans son absurde, dans son absolue miséricorde. "Dieu complice, vieux complice" : usine de production de Martyrs qui rachèteront bien nos péchés et nos excès pour nous permettre de continuer sur notre lancée comme ils le firent autrefois, il y a de ça quelques deux mille années.

Nous sommes tous sur les chemins puants de l'oubli...

14 août 2008

Chant de ruine ...

Les soirées meurent toutes dans l'aube morne et grise des lendemains, et les corps s'épuisent vainement à vouloir leur survivre.

Les cinq heures sonnent. Tous les clochers lugubres chantent leur requiem, magiciens des ombres grasses et sans âges qui égrainent dans un son de cloches leur décompte final pour nous libérer de l'hypnose extatique de la danse. Cinq heures, l'heure fatidique où tout finit par mourir, l'heure fanée où la grâce des moments passés s'affaisse et tombe en lambeaux dans la poussière laiteuse de l'alcool. Les clubs, les boîtes de nuit, les appartements dégorgent dans un même cri leurs occupants par vagues chaudes. Une soudaine pestilence enivre les rues froides et tristes dans la nuit mélancolique qui touche à sa fin.

Perdu, hagard, tout le petit monde de la nuit erre et titube dans les rues sales vers nulle part et sans but, dévoilant dans la tiédeur moite du matin tout l'éventail de la misère. Les corps creux suivent mollement les dernières vibrations de la fête qui les guident loin des lieux de leurs folles euphories. Sur tous les visages se lisent la même lassitude, la même infinie fatigue, l'abandon et la douleur. Tous coeurs saignant et âmes en fuite, partageant sans le savoir la même hantise, après avoir partagé tant de plaisirs et de désirs similaires. Alors les uns se lancent sur d'autres, hèlent de loin, se lamentent, se perdent en vaines tirades pour amener dans le trou qu'ils persistent à appeler « maison » celles ou ceux qu'ils n'ont pu qu'observer de loin durant toute la soirée. Alignant les mots maladroits entre deux rires irrépressibles. Tous torchons tristes imbibés d'alcool qui essuient les refus tombés à la surface polie de leur déception, s'épanchant lamentablement sur le béton humide en de longs crachats jaunes, parlant le même langage, le langage unique des heures mortes où tout s'éteint et perd son éclat dans l'atmosphère désolée, le langage universellement effroyable de l'alcool...

14 août 2008

Alfred Samsa

   Flap flap flap
   je les entends s'envoler.

   S'envoler? Décoller, plutôt, oui !
   Flap flap flap : ce ne sont plus des pigeons, j'entends décoller de vieux coucous, c'est leur moteur et les hélices que j'entends, les ailes figées dans un instant de panique hallucinée. Les vieux biplans noirs de la vengeance raser le sol pour terroriser le monde, planter leur bec rouge dans tous les cranes et tous les esprits.

  "Nous sommes la terreur, qu'ils me crient ! Nous sommes le vent de panique, la servile peur des faibles au service du mensonge!"
   Je me jette au sol pour en éviter l'assault, mais les voilà déjà qui se retournent dans le ciel immaculé de pureté et fondent sur moi une nouvelle fois. Flap flap flap. Les moteurs insidieux de la colère vrombissent à mes oreilles comme le chant des valkiries.
   Je cours. J'entends les mitrailleuses de la révolte cracher de puissantes orchidées de feu. Les foules à l'agonie hurlent leurs dernières forces, population mourante de cris d'alarme. Le sang gicle de partout, les cranes explosent à chaque fois qu'un pigeon kamikaze atteint sa cible. Devant moi, un frère, un père tombe, le pigeon figé jusqu'aux pattes dans la tempe, couvert de morceaux de cervelle encore fretillante d'activité. On sens la panique dans ses mouvements désordonnés, l'adrenaline la liquéfie littéralement, elle se soude aux plumes des pigeons carnassiers qui se débattent pour survivre et dévorent tout ce qui s'offre à leur appétit, oeil, muscle, cervelet, sang et palais, tout plutôt que mourir.

   Ils jubilent, ils roucoulent de plaisir, ils hurlent :
   "nous sommes la famine, nous sommes la guerre ! Nous somme la peste et tout le reste !"

   Je cours. Je me réfugie dans une ruelle, prends un couvercle de poubelle en fer et m'en sers comme d'un bouclier. Les pigeons viennent mourir dans mes mains : chtonk. Chtonk. Chtonk.
   Mais les vagues d'oiseaux sont de plus en plus énormes, le ciel est noir d'ailes, moiré de torses duveteux ! Vert de rage et vert de gris, bleu victoire et gris d'orage ! Ils m'attaquent, ils défoncent mon bouclier et le percent en s'éclatant dessus à la vitesse du son !..
   Sur le sol, sur toute la surface de la rue... La fiente se mèle au sang pour offrir le plus beau tableau du monde, illustration attendue de la symphonie désastreuse tant appréciée des anges.
   "Action painting, le plus grand de tous les héros !" Belle démonstration du dripping de la part du Pollock réincarné en pourriture d'apocalypse. Je me réfugie dans une benne à ordures fumantes, à moitié dévoré, ne pouvant plus soutenir les assauts. J'entends les pigeons s'écraser sur mon abri providentiel en une pluie de chocs creux.

   Blog. Block. Bock.
   Un cafard me grignote l'orteil, se fraye un chemin entre la peau et la chair, remonte ainsi jusqu'au crane dont il fait et refait le tour frénétiquement, et tous les siens à sa suite. Tout mon corps grouille ainsi de parasites à s'en déchirer, mer de peau, de chair et de sang agitée de spasmes obscènes.
   "Mwahahahahaha, tu n'as nulle part où te cacher, salopard !" qu'ils me tapotent tous par centaines sur les os de mon crane avec leurs petites antennes.

   Toutes les musiques du monde ne suffiront pas à couvrir mes cris....

14 juillet 2008

Ecstasy (Murakami Ryû)

éditions Picquier poche, 2006 (publié pour la première fois au japon en 1993, première édition française en 2003) 379 pages

    _ présentation
Voilà le deuxième roman de l'auteur que j'ai lu. J'avoue qu'il m'a attiré surtout par ses thématiques : dans l'ordre d'importance le sadomasochisme, la drogue et la prostitution, les mêmes thématiques abordés par son film tokyo décadence (tiré de son livre Topazu). Il est le premier volet de sa trilogie monologues sur le plaisir, la lassitude et la mort, les deux suivants étant melancholia et thanatos. Le titre vient de la drogue, l'ecstasy, qui tient une place centrale dans le roman et un rôle important dans l'initiation du personnage.

    _ résumé
Miyashita avait quitté un emploi sûr mais sans plaisir pour travailler à des tournages. Alors qu'il est sur le tournage d'un clip à New-York, un clochard lui demande en japonais s'il sait pourquoi Van Gogh s'est coupé une oreille. Il finit par discuter plus longuement avec cet homme, qui finit par lui donner un morceau de papier avec un numero dessus en lui disant de téléphoner sitôt qu'il sera revenu au Japon. Il téléphone, et on l'introduit dans l'univers de la drogue et du sadomasochisme par une série de rencontres et d'épreuves qui ont toutes pour effet de briser un peu plus sa volonté, ses résistances et de l'enfermer toujours plus dans cette voie. Il est progressivement entraîné dans une spirale infernale dont il ne pourra jamais se sortir, inexorablement attiré au delà des limites, poussé toujours plus loin par un triangle aussi étrange que captivant qui tend avec flegme et patience un piège à Miyashita dont il ne ressortira pas vivant, une machination pour le seul plaisir d'attraper une proie dans leur piège, de la laisser se débattre et de finalement la dévorer.

    _ critique
L'histoire est évidemment passionnante. Mais elle est plus à prendre comme un excellent prétexte au propos de la trilogie et à la réflexion sur le plaisir. Miyashita, le narrateur, est surtout l'auditeur privilégié des confidences, des révélations, du récit de la vie à la fois de Yammamoto et de Kataoka Keiko, du récits de leurs séances SM, de leur recherche constante du plaisir, qui les amenèrent à la plus amère des lassitudes, les obligeant à pousser toujours plus loin leurs jeux, à renouveler toujours les modes par lesquels ils allaient essayer de retrouver un plaisir qu'ils ne pouvaient plus trouver qu'en forçant les doses, ou en rendant leurs jeux plus violents, plus cruels, en cherchant de plus en plus la destruction de leurs victimes, en rendant leur démarche toujours plus irréversible. La figure de Kataoka Keiko peut paraître un peu trop caricaturale peut-être. Idéal féminin disposant de la beauté, du charme, de la grâce et de la distinction les plus intenses, possédant un contrôle et une assurance de tous les instants, ainsi qu'une pointe de mélancolie douce, tous ses traits sont forcés à l'extrême pour rendre plus saisissant encore la distance entre ce qu'elle est quand le narrateur se retrouve en face d'elle et ce qu'elle lui avoue avoir été et avoir subi. Ils sont renforcé à l'extrême pour pouvoir rendre plus inexorable son contrôle sur Miyashita, pour provoquer plus sûrement la passion, ainsi que la compassion, et cela peut paraître abusé, inutilement grossier comme procédé. Pourtant, il ne faut pas oublier que nous avons le point de vue de Miyashita, qui est littéralement sous l'emprise de ce personnage qui n'a véritablement rien de réel, et comme lui, nous somme attirés par elle (et ce dans tous les sens du terme), subjugués, touchés par son histoire, sa tristesse évidente. Et si ce personnage devient grotesque de perfection avec le temps, c'est que lentement son masque lisse de perfection commence à couler et à dévoiler son véritable visage, la couleur hideuse de sa nature profonde. Ce personnage est entièrement feint, c'est un rôle au milieu de tant d'autres vies, un personnage au milieu de tous les êtres, rien qu'une surface déterminée à produire un effet, attirer le narrateur ainsi que le lecteur dans les filets de la déchéance et de l'abandon, dans les filets de la mort, et à masquer sa nature et celle de ses intentions. Dans ce roman, Miyashita semble parfois être, comme les personnages de ses autres romans, ballotté par des évènements qui se suivent sans pour autant toujours s'imbriquer les uns aux autres, mais ici, ce n'est qu'une impression. Chaque événement, chaque rencontre, chaque mouvement est une étape prédéfinie dans un plan qui a déjà fait ses preuves et est sans doute inchangé depuis quelques années, prédéfinie dans une machine qui tourne et jamais ne s'arrête. Ecstasy est un roman où tout est figé et joué d'avance, mais où pourtant il nous semble à chaque ligne qu'à tout moment, l'imprévu peut encore surgir et que tout peut encore arriver.

    _ réflexion, question, ce qu'on en tire :
La réflexion principale du livre porte sur le plaisir, sur la course que l'on peut mener à toujours le rechercher, jusqu'à passer outre la prudence élémentaire et à prendre tous les risques possibles. Boire à en crever, se droguer à en crever, baiser à en crever, soumettre, tourmenter et torturer jusqu'à tuer. Vivre toujours et en être le premier surpris, finir par être lassé de tout ce jeu, sans pour autant cesser d'y prendre part. Le roman fait s'entrechoquer toutes les contradictions de ce point de vue là. Recherche effrénée du plaisir dans une lassitude consommée et sincère, recherche effrénée que ne tempère pas même quelques réflexions dignes d'un épicurien convaincu. C'est juste qu'avec le temps, la frénésie a changé de nature. Au début de la relation entre Kataoka Keiko et Yammamoto, leur frénésie les poussait dans des excès quantitatifs : doses létales de drogue et d'alcool, et avec le temps, ils se sont concentré non sur une accumulation mais sur une gradation qualitative, ce qui est le cas pendant la période où se déroule le roman. On se demande évidemment quel sera le degré supérieur, ou comment ils réagiront une fois qu'ils ne tireront même plus plaisir à briser des hommes au coeur de leur triangle machiavélique.

Mais cette question du plaisir, même si elle est la base d'un très bon roman, reste malgré tout relativement banale. Plus intéressant est cette représentation du sadomasochisme aux fortes influences sadistes, et qui aboutit à une véritable entreprise de destruction lente, à un sadisme pur, suave, lent, implacable, subtile, calculé, froid, insoupçonnable, sournois, et ce jusque dans son dernier aboutissement.

    _ Passages, citations, extraits :
tout est bon à prendre dans ce roman, tout y est de qualité. Le long monologue de Kataoka Keiko, le passage où le narrateur s'essaye à l'ecstasy se détachent quand même du reste.

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