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14 août 2008

Vie et Swing d'un Compañero sous les bombes (part Two : Et nous danserons avec le feu)

Je Compte les heures. Et les minutes et les secondes.

Des images me reviennent de la troisième édition. Des flashes. Un trailer...

Le temps s'écoule, imperturbable.

Le tic-tac lointain des horloges épuise le temps progressivement, minutes après minutes, heures et puis jours, comme un lent et long compte à rebours. Les trotteuses de toutes les montres du monde trottent en rond à défaut d'avoir autre chose de mieux à faire dans cette attente impénitente; c'est comme si l'univers entier attendait comme moi le grand moment, et tournait vainement en rond comme un lion en cage attendant d'être enfin libéré.

Plus qu'un mois...

Je regarde le ciel, aussi vide et inintéressant que le flot de mes pensées, et une brise légère balaye au loin toutes les scories de l'ennui, sans jamais faiblir. J'attends ...

J'attends que le temps passe, et pose mes yeux vides sur le cadran de ma montre, son tic tac régulier berce ces heures creuses où tout semble s'enliser dans un quotidien toujours plus terne. Je prie simplement pour que quelque chose arrive, pour qu'après ces instants figés et calmes éclate enfin la tempête.

Encore un mois avant que cette tempête éclate enfin. Et je me plais à en imaginer le spectacle.

L'orage éclate dans le ciel et derrière le tonnerre monte la rumeur des lourds bombardiers. Les sirènes hurlent dans la nuit, annonçant le début des hostilités. Les hommes courent et crient de joie sous les pluies acides, heureux de pouvoir rompre, ne serait-ce que pour une seule soirée, avec la triste monotonie de leur vie, et les voilà qui lèvent les mains au ciel avec de grands sourires complices illuminant leur visage comme s'ils accueillaient le cadeau des dieux, tous rassemblé en un même lieu pour ensemble danser sous les bombes, comme si toute leur vie n'était rien d'autre que l'attente de ce seul moment, ce seul moment où tout explose autour d'eux et où les pistes de danse bombardées s'embrasent à chaque nouveau son, peut importe qui le lance. C'est comme un parfum d'apocalypse qui aurait pour nom Harsh Punk.

Tant pis si certains ratent cette unique occasion de se sentir enfin vivre, et exister.

Dans les trinitaires rôdent déjà les esprits de ceux qui seront présents, ils se retrouvent dans le hall autour du saladier de Sangria, noircissent progressivement l'espace sur fond de drônes lancinants ou d'électro indus, discutent joyeusement entre eux, cagoulés ou non, commentent les derniers concerts, les dernières photos de concert, formes imprécises qui échangent leurs souvenirs de la dernière édition du Tanz Mit Feuer et se questionnent sur les groupes à venir. Rapidement, tout n'est plus que présences diffuses envahissant la piste de danse dans cette ambiance surannée de bunker. Ils s'avancent dans la fumée des gaz vers la lumière rouge des gyrophares, quand les premiers beats saturés explosent en éclats de shrapnels qui leur vrillent les tympans. Déjà les premiers s'agitent et occupent les dance-floors bombardés, rapidement suivis des autres, qui ne désirent pas être en reste. C'est une liesse populaire, une transe commune qui habite tous ceux présents qui hurlent d'une même voix, qui dansent d'un même corps sur les alarmes vociférantes, les rythmiques concassées et les guitares acérées, qui souffrent d'une même douleur. Certains meurent écrasés entre la pression de la fosse et le mur du son, et à l'odeur de leur défection s'ajoute celle plus âcre de la sueur de ceux qui résistent tant bien que mal et restent debout pour un final apocalyptique, long, lent, répétitif, intenable auquel se superposent des bribes de conversations et des prêches à destination des survivants qui surplombent ces territoires dévastés. « La lorraine est une vallée de lärmes et tous nous y sommes pour souffrir. »

Après un court moment de répit, la foule compacte qui a à peine le temps de se remettre de ses émotions doit faire face à de nouvelles offensives.

Je me souviens des guerres passées, et colle mes souvenirs à mes espoirs et expectatives pour imaginer ce que seront ces moments uniques.

J'étais là quand FYD a occupé l'Austrasique à en faire trembler les murs avec leur set harsh noise sans pause, sans temps mort, violent et agressif à souhait, mélange de rythmes groovy destructurés et de hurlements désespérés. Leur album Defied tourne à nouveau dans le lecteur, histoire de raviver les plaies, et je caresse ma douleur dans l'attente impatiente d'une nouvelle confrontation avec ce groupe, un des plus impressionnants qu'il m'ait été donné de voir. Je les vois déjà parachuter leurs machines sur la scène déserte et commencer à détruire ce qui a eu le malheur de survivre dans un assaut harsh noise core qui repousse à nouveau un peu plus loin les limites. Toutes les limites.

Encore Vivant? Plus pour bien longtemps ...

Et dans un chaos sonore incomparable s'écrase un nouveau chapelet de bombes sur les troupes de harsh punkers qui décidément n'en demandaient pas temps, plaçant chacun d'entre eux face à sa propre mort sous les injonctions répétées du groupe. Fuck you die, Fuck you die... C'est comme une litanie noise industrielle ...

Une nouvelle rage gagne la foule pendant que des vagues de désespoir hurlées envahissent l'atmosphère saturées d'images et d'odeurs rances de cette zone d'autonomie temporaire particulièrement maltraitée. FYD écorche à vif les résistances humaines dans une stratégie d'attrition où les pistes ambiantes crades et saturées sont plus assassines que les explosions de violences qu'ils ne s'interdisent jamais.

« Pourquoi finissons-nous tous par devenir ce qui nous fait le plus peur ? »

La question reste en suspens alors que tout tabou et inhibition a sauté, et les pans restés intacts du lieu sont maintenant attaqués par ses occupants même sous les rythmes tribaux d'une techno industrielle survoltée balancée sans sommation par Twinkle qui poursuit le tour de piste Audiotrauma. Toute la structure du bâtiment frissonne alors que les machines martèlent leurs beats électro harsh, des voix résonnent dans le vide ambiant reprises en écho, posées sur des nappes de synthé et autres mélodies envoûtantes entre deux ruptures de rythme et une montée de sons plus distordus que jamais.

J'en vois déjà partir, s'aérer l'esprit, succomber finalement à ces assauts répétés au risque de rater le meilleur. D'autres en dépit de la douleur et de la fatigue qui commence à se faire sentir poursuivent tant bien que mal leur périple insensé dans les vastes contrées du bruit, en compagnie cette fois de IO venu spécialement de Berlin pour l'occasion qui les laisseront se perdre dans leur Bunker Noise, mélanges de boucles de sons trafiqués et déconstruits sur lit d'infra-basse auxquelles s'ajoutent tour à tour hurlements de haine ou chant mélodieux. Et si dans ces territoires sonores dévastés les sirènes ne semblent hurler qu'au lointain, ce n'est peut-être que parce que tout le monde ici a fini par être définitivement sourd, et c'est sans audition mais pas sans plaisir que les plus résistants reçoivent comme un ultime cadeau et une récompense pour leur persévérance les pistes ambiant de Sonic Area, qui règne maintenant sur une salle dévastée et clos la soirée avec ses explorations sonores plus posées mais non moins torturées que celles qui précédèrent, tantôt mélodiques, tantôt lancinantes et sombres et qui accompagnent naturellement la fin de la soirée, reconduisant les êtres vers des moments plus calmes et silencieux, et une nouvelle année d'attente en vue d'une cinquième édition où les fantômes transparents du quotidien pourront à nouveau enfin prendre forme humaine l'espace d'une soirée.

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