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14 août 2008

Alfred Samsa

   Flap flap flap
   je les entends s'envoler.

   S'envoler? Décoller, plutôt, oui !
   Flap flap flap : ce ne sont plus des pigeons, j'entends décoller de vieux coucous, c'est leur moteur et les hélices que j'entends, les ailes figées dans un instant de panique hallucinée. Les vieux biplans noirs de la vengeance raser le sol pour terroriser le monde, planter leur bec rouge dans tous les cranes et tous les esprits.

  "Nous sommes la terreur, qu'ils me crient ! Nous sommes le vent de panique, la servile peur des faibles au service du mensonge!"
   Je me jette au sol pour en éviter l'assault, mais les voilà déjà qui se retournent dans le ciel immaculé de pureté et fondent sur moi une nouvelle fois. Flap flap flap. Les moteurs insidieux de la colère vrombissent à mes oreilles comme le chant des valkiries.
   Je cours. J'entends les mitrailleuses de la révolte cracher de puissantes orchidées de feu. Les foules à l'agonie hurlent leurs dernières forces, population mourante de cris d'alarme. Le sang gicle de partout, les cranes explosent à chaque fois qu'un pigeon kamikaze atteint sa cible. Devant moi, un frère, un père tombe, le pigeon figé jusqu'aux pattes dans la tempe, couvert de morceaux de cervelle encore fretillante d'activité. On sens la panique dans ses mouvements désordonnés, l'adrenaline la liquéfie littéralement, elle se soude aux plumes des pigeons carnassiers qui se débattent pour survivre et dévorent tout ce qui s'offre à leur appétit, oeil, muscle, cervelet, sang et palais, tout plutôt que mourir.

   Ils jubilent, ils roucoulent de plaisir, ils hurlent :
   "nous sommes la famine, nous sommes la guerre ! Nous somme la peste et tout le reste !"

   Je cours. Je me réfugie dans une ruelle, prends un couvercle de poubelle en fer et m'en sers comme d'un bouclier. Les pigeons viennent mourir dans mes mains : chtonk. Chtonk. Chtonk.
   Mais les vagues d'oiseaux sont de plus en plus énormes, le ciel est noir d'ailes, moiré de torses duveteux ! Vert de rage et vert de gris, bleu victoire et gris d'orage ! Ils m'attaquent, ils défoncent mon bouclier et le percent en s'éclatant dessus à la vitesse du son !..
   Sur le sol, sur toute la surface de la rue... La fiente se mèle au sang pour offrir le plus beau tableau du monde, illustration attendue de la symphonie désastreuse tant appréciée des anges.
   "Action painting, le plus grand de tous les héros !" Belle démonstration du dripping de la part du Pollock réincarné en pourriture d'apocalypse. Je me réfugie dans une benne à ordures fumantes, à moitié dévoré, ne pouvant plus soutenir les assauts. J'entends les pigeons s'écraser sur mon abri providentiel en une pluie de chocs creux.

   Blog. Block. Bock.
   Un cafard me grignote l'orteil, se fraye un chemin entre la peau et la chair, remonte ainsi jusqu'au crane dont il fait et refait le tour frénétiquement, et tous les siens à sa suite. Tout mon corps grouille ainsi de parasites à s'en déchirer, mer de peau, de chair et de sang agitée de spasmes obscènes.
   "Mwahahahahaha, tu n'as nulle part où te cacher, salopard !" qu'ils me tapotent tous par centaines sur les os de mon crane avec leurs petites antennes.

   Toutes les musiques du monde ne suffiront pas à couvrir mes cris....

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