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14 août 2008

... et de béton

Et nous voilà au milieu des foules d'hommes aux mines défaites, titubant dans les rues, ne sachant même pas où aller dans la pluspart des cas. Nous nous laissons porter par ces foules, débris charriés dans les flots humains et loqueteux qui se déversent dans des rues qui m'ont tout l'air d'être de vastes égouts à ciel ouvert traversant la ville, dirigeant le flot vers les trous où se cacheraient volontiers les hommes pour mourir, loin du regard de leurs semblables, s'ils avaient été des oiseaux plutôt que des macaques. Ici, Tout empeste la ruine et la désolation. Il n'y a plus rien à sauver, tout le monde le sait. Déjà qu'il n'y avait plus rien à faire... Tout le monde ici se sent libre de se laisser aller, libre de se montrer tels qu'ils sont en cette heure tardive, misère anonyme, fugitive, qui ne se laisse encore percevoir que par l'odeur fétide du repentir qu'ils vomissent publiquement, de concert, par groupes entiers sur le pavé crasseux. Plus personne ne s'épuise en de vains efforts pour continuer à afficher le visage fiévreux du plaisir, l'expression sûre du fier conquérant qui brave sans faillir tous les défis de la nuit. Masques de nos réussites futiles. Tous les visages autour de nous expriment le même abandon las, et le même soulagement. Couloir d'innombrables miroirs, foules d'hommes en chacun desquels je reconnaît mon reflet. Foules fatiguées au coeur desquelles personne ne prend plus la peine de marcher. Ici, tout flotte. Ici tout se laisse porter, paisible, tout dérive dans l'expression la plus parfaite et lamentable de l'alcool. Cinq heures. L'heure la plus éloignée qui soit des mascarades quotidiennes. C'est à ce moment là seulement que l'on peut apercevoir le vrai visage de l'alcool, et c'est un véritable spectacle pour quiconque peut encore en profiter.

Tout autour de nous, Nancy. Nancy qui touche à sa fin, Styx de béton aux relents putrides. Et tout au fond de nous, mémoire Archéon du corps, des jambes endolories qui seules se souviennent, accompagnant la fête dans sa dernière demeure. Traînant dans leurs barques de chair les esprits démolis et abîmés d'un bout à l'autre de l'enfer, visite guidée tous frais payés de la déchéance la plus totale. Et Tout le monde attend les heures précieuses où ils ne seront plus que des fantômes dans la poussière, je peux le lire dans leurs yeux. Fantômes mourant de ne pouvoir dès l'instant boire l'oubli délicieux aux sources même du Lethé, afin de renaître une interminable semaine après à de nouveaux plaisirs. Tous aussi funestes que les précédents. Si ce n'est plus. Et assurément, ce seront des hommes nouveaux qui lèveront le verre le samedi ou le vendredi prochains, qui le lèveront le coeur en joie dès le jeudi pour certains, des hommes nouveaux, délestés du souvenir de leur déchéance, comme des pécheurs après leurs confessions douteuses aux exhalaisons putrides dans lesquels, médusés, ils retrouvent les derniers souvenirs de festins oubliés qui seront à jamais effacés par la pluie, larmes abondantes du Seigneur pleurant sa création, nous pardonnant tout dans son absurde, dans son absolue miséricorde. "Dieu complice, vieux complice" : usine de production de Martyrs qui rachèteront bien nos péchés et nos excès pour nous permettre de continuer sur notre lancée comme ils le firent autrefois, il y a de ça quelques deux mille années.

Nous sommes tous sur les chemins puants de l'oubli...

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