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14 août 2008

Vie et swing d'un compañero sous les bombes (part one : Muckrackers et les TDB, huhu) part 1

Introït :

Tout bon concert devrait commencer par un accident.

Regarde l'univers.

Une explosion fortuite dans le laboratoire du vide et la matière, en un éclair, est expédié dans toutes les directions sur fond de drônes lancinants. Poussières d'un monde en devenir, poussières d'étoiles qui errent, qui se rapprochent et se fondent en amas de plus en plus gros.

L'abstraction en peinture est née uniquement parce qu'à cause d'un accident fortuit qui n'aurait pu n'être qu'anodin dans son atelier, Kandinsky ne reconnu pas un de ses propre tableau en entrant et fut saisi d'effroi, de curiosité et de tout un tas de sentiments mêlés à la vu de ce tableau qui en apparence ne représentait rien, qui n'était que couleurs éparses sur une toile.

Ce concert aussi est précédé d'un accident. Une collision, pour être plus exact. Et au jeu du pot de fer et du pot de terre, ce n'est pas forcément celui que l'on croit qui cède en premier. Cela nous a légèrement retardé, mais rien de grave semble-t-il. K*ro me réceptionne donc en voiture après ces légers désagréments, nous roulons, nous nous garons, puis enfin nous arrivons à la salle. Il y a déjà Ludo, et d'autres qui attendent au stand. Nous on arrive, tout sourire, tout badge et toute démarche nonchalante.

_

Notre premier réflexe est donc de se diriger vers les têtes connues et reconnues, au stand. On commence à discuter, je ne sais plus de quoi, on raconte nos dernières mésaventures, on commente les photos de Ludomega de Marlenheim, ce dernier fait des catastrophes, et se retrouve contraint d'éponger. J'ai pas trop de conversation, j'écoute surtout, j'aimerais m'en excuser, mais non, il n'y a rien de plus inutile. On discute, on consomme, coca pour les deux nouveaux venus. Ça se poursuit ainsi, je remarque que déjà des gens font la queue devant la salle. Je me dit que ces mecs ont un problèmes, que leur montre avance, un truc du genre, on me rétorque direct que c'est un gros concert, que c'est comme ça. Moi j'ai pas l'habitude, à l'austrasique, il n'y a jamais de queue, il n'y a même jamais de monde ... Maintenant, il n'y a même plus de concert...

On continue à attendre, à discuter, puis on se rend vite à ce que l'on considère alors comme l'évidence : il vaudrait mieux que l'on se jette maintenant dans la queue, sinon, on risque fort de se retrouver loin de tout, serrés comme des sardines au milieux d'inconnus suant qui nous masqueraient la vue. On plaisante, on attend, on discute, on attend, on plaisante, on avance : je sors de ma poche les Minima Moralia d'Adorno entre les pages duquel les deux places pour le concert sont protégées de tout désastre, de toute déchirure inopportune, je sors les places, on passe le barrage, tampon sur la main, on passe les portes. La salle est vide. (WTF). Tout le monde s'est parqué comme du bétail sur les gradins, ça, c'est l'hérésie suprême.

C'est un concert, bordel, c'est pas l'opéra ici, vous avez vu des dorures et des rideaux rouge en quelque part ?

Peu importe, ça nous laisse toute la place et le loisir de bien nous positionner dans l'espace vaste et vide de cette grande salle noire. Ça se rempli peu à peu, Ludomega nous rejoint après avoir fait la queue, L'ami de Paris (pas moyen de remettre la main sur son pseudo ...) lui, est passé par les backstage, par la scène pour nous rejoindre. Héhé, les joies du "all-access". Ce genre de joies que je ne goûterais jamais ...

ça se remplit toujours, on échange quelques mots. Mon coeur commence à battre plus fort, je serre ma cagoule toujours dans la poche, pour une fois, j'ai consenti au port "massif" du badge. Histoire de marquer le coup. Mes jambes commencent à trembler, une vague de chaleur commence lentement à m'envahir, je me prépare au grand moment. Je crois que cette montée d'adrénaline, cette attente, est un des moments que je préfère dans ces concert. Chacun regarde autour de lui, inquiet ou confiant, dans l'expectative ou dans l'impatience, néophytes complets et auditeurs/spectateurs confirmés tous indistinctement excités.

Je regarde les gens. Des types, des femmes et des gamins qu'on croise plus sûrement dans les grandes surfaces un samedi après-midi et dans les publics des émissions de tf1 qu'à un concert où je suis susceptible de pointer le bout de mes mèches blondes, tout ça me rend triste. J'essaye de me souvenir de mon premier concert des mucrackers, mon tout premier concert. Mon tout premier contact conscient vers les musiques dites industrielles, j'essaye de me souvenir cet étonnement premier, ce premier choc frontal avec le mur du son, mes premières détonations psychiques destinées à balayer toutes mes intellectualisations frauduleuses de la musique. Je regarde tout ces gens donc, et en dépit de leur cellulite et de leurs varices, je les envie.

Je vois la tête cagoulée de Negative apparaître, se pencher sur la guitare, faire quelques derniers réglages, des voix derrières moi évoquer entre eux le délire médiatique bas de gamme de la saison passée (mais bien foutu quand même, il faut dire ce qui est) en un slogan que je n'avais plus entendu depuis les fêtes de Noël : « Fous ta cagoule, fous ta cagoule » ...

C'est drôle? Non. Ok. Verdict : Délit de non-initié.

Condamné à une perte de trois points d'audition à l'oreille droite, et à 4 environ à l'oreille gauche. Toi et tes amis, et ta famille, et toutes les personnes autour de toi. Délit de non-initié, peine capitale. Quelques derniers réglages, quelques dernières secondes de répit et les trois bourreaux arrivent pour exécuter la sentence avec leurs armes habituelles en une frappe chirurgicale comme présentée dans le Split Biological War. 3 .... 2 .... 1 .... souffle ... souffle .... bruit blanc

ça y est, je sors ma cagoule, l'enfile sur ma tête, ajuste les trous sur mes yeux et ma bouche. Je lève le poing, je plante mes pieds dans le sol pour éviter que mes jambes ne flagellent de trop, une main dans le dos car je trouve que ça fait classe. Et je chante. J'ai passé ma semaine à chanter ce chant des mineurs pour être prêt pour ce concert. Shooter arrive en speed et se jette sur moi. Salutations entre compañeros, chacun étudiant la cagoule de l'autre. non, la mienne n'est pas décorée... Le chant des mineurs se termine, on hurle. On applaudit, on mouline du poing, on éructe sur les premiers larsens, les premières notes, les premiers beats saturés, les premiers mots scandés, tout ce qui est premier nous arrache une réaction, un mouvement ou un son. Ce soir, il faut que ce soit sauvage.

De nouveaux cagoulés arrivent en piste. Nadaslovia, David et Jeep. D'autres ? Je ne sais pas. On est tous à fond, on saute, on bouge, on swingue, on a tous qu'une seule idée en tête, offrir un spectacle total à cette foule médusée qui se déchire entre envie de crier au scandale ou de rire de tout ça. Le rire. C'est ainsi qu'on masque sa gène en Lorraine. On rit. On appelle ça le désespoir. Des oreilles se bouchent, des gamines pleurent, des bombes sonores tombent sur ces âmes perdues les unes après les autres, et seule une poignée d'irréductibles dansent et s'en réjouissent visiblement. On appelle ça le chaos.

La scène est magnifique, des logos blancs sur fond de drapeaux sombres partout, un trio qui se donne à fond parce que tout doit être plié en une demi-heure à peine, un LaVerge qui doit se contenir, jouer le front-man calme et assagi, mais qui trouve quand même le moyen de se démarquer. Monté sur un énorme fût, il surplombe l'assistance et lui hurle dessus. Devant lui, les émigrés de la culture, tous dans le même bateau rouillé départ de TF1, arrivée dans les profondeurs sombres et anxiogènes de l'industrial harsh punk lorrain, par 40 000 brasses de fond dans le monde du silence qui n'attend qu'un raz de marée pour s'abattre sur les foules défaites, et qu'on appelle underground. Une plongée dans un enfer vert nausée et bleu douleur des coups reçus comme jamais Nicolas Hulot n'a osé en présenter dans ses émissions.

Vous êtes des colons les mecs. Devant vous LaVerge fait office de Statue de la Liberté. On vous laissera sauter par dessus bord avant d'arriver dans nos contrées inhospitalières, mais acceptez d'abord de souffrir un peu.

Le chaos se poursuit, imperturbable. Plus de nouveaux morceaux que j'ai eu l'habitude d'en entendre, ça fait énormément plaisir. Ce sont des bombes inconnues qui s'abattent sur notre petit dancefloor, et on redécouvre un plaisir depuis longtemps oublié : celui de crier de joie à la nouveauté, d'entendre des sons inconnus et de danser avec eux malgré tout, de s'en envelopper, de forcer son corps à se plier à de nouvelles cadences, de s'ouvrir à de nouveaux sons et chants alors même que depuis toujours il a formé ses transes sur d'autres moules, et sentir enfin cette douleur nous prendre les jambes, les bras, le cou, nous prendre à la gorge à force d'esquiver dans d'infinis contorsions et mouvements incohérents des sons à nos yeux devenus solides dans l'espace et qui viennent frapper la foule qui refuse de fuir devant tout ça. Je regarde vers la scène, les instruments volent dans tout les sens, c'est un joyeux bordel comme on aimerait en voir plus souvent. J'ai mal. J'ai ma fierté. Je refuse d'être vu en si mauvaise posture. Je me retourne pris par la honte, vois cette foule amassée vers le fond. Non, l'occasion est trop belle, pour une fois, je m'éloigne du spectacle de la scène la tête haute, les plans d'une nouvelle mission se dessinant dans mon esprit maltraité. Je vais dans la foule des gens qui se demandent encore ce qui se passe. (T'as_t'as pas compris !? Les muckrackers tapent comme un type devenu aigri !) Ils me voient arriver, ils se hurlent des apartés (hahaha, j'entends tout), me pointent du doigt. Je me retourne et danse au milieu des foules incrédules. Je les enjoint à s'approcher, je hurle et je crie, je danse de plus belle, j'en prend un ou deux à partie, comme ça, pour le fun, je prends un pied fou, je me dis « à quand la prochaine comme ça? », je les regarde et leur crie dessus, en avant bordel ! Je vais même jusque devant les gradin, je vais partout, et je reviens devant à moitié nu tellement je crève. Le cagoulé reviens au coeur de la fosse avec les compañeros. Là, j'avoue, j'ai du mal à suivre, je me jette par terre devant des gens qui ont suivi nos appels, eux histoire de mieux profiter du spectacle, moi histoire de souffler un peu. Ma rangers tape le sol. Klunk !

Klunk ? Mais depuis quand le sol fait klunk ici ?

Je me lève. Regarde une cagoule aussi étonnée que moi, qui regarde le sol, moi, le sol, lui, et on se lance un sourire entendu. (WTF) On attend le prochain beat, on le sens arriver, ça tremble déjà dans nos tripes. KLUNK ! en rythme, un son qui fait de se dresser une paire de cagoules câblées sur la noosphère estampillée Rot Front qui fait voler au dessus de la stratosphère l'information que des plaques de fer sous nos pieds nous permettent de mettre notre semelle dans la compo en court autrement qu'en criant simplement. Et trois quatre compañeros alors tapent du pied en rythme sur ce sol de fer. Klunk ! Klunk ! Klunk ! Klunk c'est beau quoi, c'est du Beinhaus ! Et on tape du pied et on se tape la tête à deux main, douleur, bande annonce lointaine du sample final : merde, ça ça fait mal.

Chanson finie, ce trip fini, persiste le souvenir et ces lignes.

Et ce son gravé dans nos mémoires. Bientôt, set fini aussi. Arrive alors la dernière chanson, je me dirige vers un type qui prend visiblement plaisir, qui était là le jour où les white dolls étaient passé à l'austrasique. Petite larme pour l'austrasique. Je lui intime l'ordre de hurler sa joie car c'est la dernière chanson. On voit tout de suite le mec qui est sorti de Guantanamo et qui a résisté aux tortures à base de disques de noise. Le mec n'a pas lâché un cri, j'ai l'impression d'avoir perdu toute ma vitalité et ce pouvoir que les gens m'enviaient tant. Déjà les larsens, déjà le groupe part, déjà les soupirs de soulagement et quelques espoirs pour certains. Mais moi sans espoir, je sais ce qu'il en est. C'est fini, et ça fait mal, ça fait mal, ça mal, oui, bon, nous, ça nous fait chier surtout, mais 30 minutes, c'est 30 minutes. On sait tout ça mais ça ne change rien. On voit d'un coup Negative revenir, on nous aurait menti ??? Ah bah non, pas de rappel, ça débranche à tour de bras et se refaufile vers le fond. Lumière, terminus, tout le monde descend, les gens dans leurs comportements automatisés gardent le cap, son, on reste même si ça plaît pas, curiosité de 5 minutes, ok, curiosité de 30 minutes, lâcheté. Plus de son, on va au bar, ou dehors. Spectacle, on rentre, même si ça ne nous plaît pas. On ressort. C'est fini. On consomme. On rerentre, ça ne lasse personne. Moi, je me vide deux petite bouteilles d'eau en discutant avec Shooter et les autres, ça parle musique, ça parle d'autre chose. Rapidement on regagne la salle. Goat arrivé trop tard a raté le set des Muck'. On ne se moque pas de lui, ce n'est pas le genre de la maison.

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