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14 juillet 2008

Ecstasy (Murakami Ryû)

éditions Picquier poche, 2006 (publié pour la première fois au japon en 1993, première édition française en 2003) 379 pages

    _ présentation
Voilà le deuxième roman de l'auteur que j'ai lu. J'avoue qu'il m'a attiré surtout par ses thématiques : dans l'ordre d'importance le sadomasochisme, la drogue et la prostitution, les mêmes thématiques abordés par son film tokyo décadence (tiré de son livre Topazu). Il est le premier volet de sa trilogie monologues sur le plaisir, la lassitude et la mort, les deux suivants étant melancholia et thanatos. Le titre vient de la drogue, l'ecstasy, qui tient une place centrale dans le roman et un rôle important dans l'initiation du personnage.

    _ résumé
Miyashita avait quitté un emploi sûr mais sans plaisir pour travailler à des tournages. Alors qu'il est sur le tournage d'un clip à New-York, un clochard lui demande en japonais s'il sait pourquoi Van Gogh s'est coupé une oreille. Il finit par discuter plus longuement avec cet homme, qui finit par lui donner un morceau de papier avec un numero dessus en lui disant de téléphoner sitôt qu'il sera revenu au Japon. Il téléphone, et on l'introduit dans l'univers de la drogue et du sadomasochisme par une série de rencontres et d'épreuves qui ont toutes pour effet de briser un peu plus sa volonté, ses résistances et de l'enfermer toujours plus dans cette voie. Il est progressivement entraîné dans une spirale infernale dont il ne pourra jamais se sortir, inexorablement attiré au delà des limites, poussé toujours plus loin par un triangle aussi étrange que captivant qui tend avec flegme et patience un piège à Miyashita dont il ne ressortira pas vivant, une machination pour le seul plaisir d'attraper une proie dans leur piège, de la laisser se débattre et de finalement la dévorer.

    _ critique
L'histoire est évidemment passionnante. Mais elle est plus à prendre comme un excellent prétexte au propos de la trilogie et à la réflexion sur le plaisir. Miyashita, le narrateur, est surtout l'auditeur privilégié des confidences, des révélations, du récit de la vie à la fois de Yammamoto et de Kataoka Keiko, du récits de leurs séances SM, de leur recherche constante du plaisir, qui les amenèrent à la plus amère des lassitudes, les obligeant à pousser toujours plus loin leurs jeux, à renouveler toujours les modes par lesquels ils allaient essayer de retrouver un plaisir qu'ils ne pouvaient plus trouver qu'en forçant les doses, ou en rendant leurs jeux plus violents, plus cruels, en cherchant de plus en plus la destruction de leurs victimes, en rendant leur démarche toujours plus irréversible. La figure de Kataoka Keiko peut paraître un peu trop caricaturale peut-être. Idéal féminin disposant de la beauté, du charme, de la grâce et de la distinction les plus intenses, possédant un contrôle et une assurance de tous les instants, ainsi qu'une pointe de mélancolie douce, tous ses traits sont forcés à l'extrême pour rendre plus saisissant encore la distance entre ce qu'elle est quand le narrateur se retrouve en face d'elle et ce qu'elle lui avoue avoir été et avoir subi. Ils sont renforcé à l'extrême pour pouvoir rendre plus inexorable son contrôle sur Miyashita, pour provoquer plus sûrement la passion, ainsi que la compassion, et cela peut paraître abusé, inutilement grossier comme procédé. Pourtant, il ne faut pas oublier que nous avons le point de vue de Miyashita, qui est littéralement sous l'emprise de ce personnage qui n'a véritablement rien de réel, et comme lui, nous somme attirés par elle (et ce dans tous les sens du terme), subjugués, touchés par son histoire, sa tristesse évidente. Et si ce personnage devient grotesque de perfection avec le temps, c'est que lentement son masque lisse de perfection commence à couler et à dévoiler son véritable visage, la couleur hideuse de sa nature profonde. Ce personnage est entièrement feint, c'est un rôle au milieu de tant d'autres vies, un personnage au milieu de tous les êtres, rien qu'une surface déterminée à produire un effet, attirer le narrateur ainsi que le lecteur dans les filets de la déchéance et de l'abandon, dans les filets de la mort, et à masquer sa nature et celle de ses intentions. Dans ce roman, Miyashita semble parfois être, comme les personnages de ses autres romans, ballotté par des évènements qui se suivent sans pour autant toujours s'imbriquer les uns aux autres, mais ici, ce n'est qu'une impression. Chaque événement, chaque rencontre, chaque mouvement est une étape prédéfinie dans un plan qui a déjà fait ses preuves et est sans doute inchangé depuis quelques années, prédéfinie dans une machine qui tourne et jamais ne s'arrête. Ecstasy est un roman où tout est figé et joué d'avance, mais où pourtant il nous semble à chaque ligne qu'à tout moment, l'imprévu peut encore surgir et que tout peut encore arriver.

    _ réflexion, question, ce qu'on en tire :
La réflexion principale du livre porte sur le plaisir, sur la course que l'on peut mener à toujours le rechercher, jusqu'à passer outre la prudence élémentaire et à prendre tous les risques possibles. Boire à en crever, se droguer à en crever, baiser à en crever, soumettre, tourmenter et torturer jusqu'à tuer. Vivre toujours et en être le premier surpris, finir par être lassé de tout ce jeu, sans pour autant cesser d'y prendre part. Le roman fait s'entrechoquer toutes les contradictions de ce point de vue là. Recherche effrénée du plaisir dans une lassitude consommée et sincère, recherche effrénée que ne tempère pas même quelques réflexions dignes d'un épicurien convaincu. C'est juste qu'avec le temps, la frénésie a changé de nature. Au début de la relation entre Kataoka Keiko et Yammamoto, leur frénésie les poussait dans des excès quantitatifs : doses létales de drogue et d'alcool, et avec le temps, ils se sont concentré non sur une accumulation mais sur une gradation qualitative, ce qui est le cas pendant la période où se déroule le roman. On se demande évidemment quel sera le degré supérieur, ou comment ils réagiront une fois qu'ils ne tireront même plus plaisir à briser des hommes au coeur de leur triangle machiavélique.

Mais cette question du plaisir, même si elle est la base d'un très bon roman, reste malgré tout relativement banale. Plus intéressant est cette représentation du sadomasochisme aux fortes influences sadistes, et qui aboutit à une véritable entreprise de destruction lente, à un sadisme pur, suave, lent, implacable, subtile, calculé, froid, insoupçonnable, sournois, et ce jusque dans son dernier aboutissement.

    _ Passages, citations, extraits :
tout est bon à prendre dans ce roman, tout y est de qualité. Le long monologue de Kataoka Keiko, le passage où le narrateur s'essaye à l'ecstasy se détachent quand même du reste.

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