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14 juillet 2008

Vitriol !

(c'est le premier texte écrit pour mon projet de site littéraire un peu fun, toujours en chantier. Ce blog est en quelque sorte la solution de fortune)

tribe  Les herbes de la savane sont hautes et jaunes. Un soleil rond et chaud surplombe la scène, trônant au milieu d'un ciel bleu et exempt de nuage, un ciel sans personnalité aucune et aucun intérêt.
Changement de plan.

Le narrateur poursuit son long monologue sur ce même ton de présentateur de journal télé qui déblatère sans fin sur les bribes d'une humanité qui tombe en miettes à chaque tragédie un peu plus, mais que pourtant rien n'effritera jamais totalement ; comme la crasse persistante sur les mains de ces maniaques qui se les lavent toutes les dix minutes.

Un point d'eau. Une vieille flaque de boue visqueuse, d'eau croupie autour de laquelle un troupeau d'antilopes est venu s'abreuver. Je suis sûr que l'une d'entre elles a crevé à boire cette merde, mais les techniciens, sous les ordres hurlés d'un conseillé artistique vociférant, l'ont retiré du cadre. Le cuisinier de l'équipe, un autochtone en pagne a sûrement dû entamer la carcasse à la machette pour préparer le repas de l'équipe de tournage. Voilà sans doutes, à mon avis, pourquoi tout ça pue la mort.

Des herbes semblent se balancer dans le vent. Problème. Tous les autres brins d'herbe brûlés par le soleil restent immobiles dans cette torpeur toute tropicale. Problème. Tout le monde le devine, il n'y a pas de vent ici. Une antilope lève la tête, avant de la replonger aussitôt dans cette mélasse noirâtre que la voix persiste à appeler un point d'eau. Même ces animaux crétins refusent de se laisser abuser, mais elles boivent, sans ça, pas de salaire, pas moyen de boire, de se torcher la gueule avant de rentrer voir leur compagne informe sans gerber de dégoût, pas moyen d'accepter de dormir à côté de ces lambeaux de chair et pire, éventuellement. Eventuellement seulement, seulement s'il on a pas gagné assez pour boire suffisamment. L'autre avantage de l'alcool, à côté du fait qu'on rit pour un rien et qu'on accepte tout plus facilement, c'est qu'on bande plus. Plus de risque de fourrer sa bite dans cette abîme dégorgeant régulièrement ses menstrues monstrueuses en jets saccadés, déversant sang et caillots sanguin à volonté sur le lit, les draps, et toute la partie inférieur de l'anatomie masculine, sang et immondices vivants et morts en tout genre.

De quoi en crever de trouille, même pour un mec suffisamment bourré pour ne se rendre compte de rien.
Autre plan. Même narrateur qu'on a envie de flinguer.

Ce petit courant qui faisait se balancer les hautes fougères, était en fait des corps. Trois lionnes qui s'apprêtent à faire démonstration de leurs talents devant l’œil de la caméra qui ne rate rien de la scène.

"Et là, alors que le troupeau d'Antilopes continue à s'abreuver sans se douter de ce qui les attend, nos trois lionnes s'apprêtent à refermer leur redoutable piège sur leurs victimes. "

Je coupe le son. Apparaît à l'écran, en lieu et place du soleil, un mégaphone stylisé sur lequel se superpose une énorme croix, le tout dans un petit carré bleu du ciel. Le monde de la cruauté devient le monde du silence, et les antilopes deviennent des harengs saur, grillés au soleil sous les yeux attentifs du réalisateur, scripte à la main, mais qu'aucune oreille ne leur prête plus aucune attention.

Pendant ce temps là, à Vera Cruz, le lion, le plus fainéant de tous les rois, surveille lascivement les lionceaux qui jouent leurs jeux agressifs, se sautent dessus, se mordent l'oreille, se griffent et s'esquivent. Le lion, toujours allongé, baille, et se dit que si elles ne se grouillent pas de lui ramener la pitance, il en croquerait bien un ou deux en guise de hors d’œuvre. L'avantage d'être le roi, se dit-il encore, tu n'as qu'à ouvrire la gueule pour que toute la création se précipite pour y mourir.

Les lionnes ont maintenant encerclé le troupeau qui se repose, allongé, au soleil. Elles attendent, on ne sait qui, on ne sait quoi, immobiles, invisibles au milieu de ces herbes couleur pelage.

Changement de plan. Une vue aérienne, d'ensemble. Je me demande comment ils ont pût filmer du ciel sans effrayer les antilopes et les faire fuire. Et n'allez pas me dire qu'ils ont pu utiliser un de ces fichu satellite. On voit l'ombre de l'hélicoptère essayer de se montrer dans un coin de l'image, essayer d'avertir le public "regardez, les animaux sont apprivoisés, ils sont accoutumés aux nuisances de notre société, aux hélicoptères et au ce bruit infernal de ces machines puissantes qui se maintient en vol stationnaire, aux ondes de téléphone portable, aux caméras et aux maquilleuses de plateau, tout est bidon."

On voit les lionnes s'élancer en même temps au signal du coordinateur des cascades, vers le centre du cercle imaginaire dont elles formaient le périmètre, là où sont ces morceaux de barbaque faisandée et ambulante. Elles courent, formant chacune un arc de cercle, fondant indirectement vers une proie, toutes trois la même : celle qui est visée par le désignateur laser longue portée que tient depuis cinq minutes déjà la secrétaire de direction, celui qui s'en charge normalement est parti pisser, et aurait déjà dû revenir, qui sait par quoi il s'est fait dévorer. Ce sont des choses qui arrivent. Les risques du métier.

Les imagent me rappellent ces images de guerre. Trois missiles de type scud forment une légère boucle avant de s'écraser sur un village paisible hâtivement construit autour d'un providentiel point d'eau. Tout explose.
Changement de plan.

Tout le troupeau sursaute et chacun fuit dans une direction ou une autre, affolé, un s'embourbe dans la mare jusqu'à ne plus pouvoir bouger, d'autres bondissent et courent hors du champ. Une antilope s'élance mais coupe la course d'une des lionnes, griffes en avants et crocs dehors qui se plantent dans son flanc et la plaque au sol. L'antilope essaye de se relever. De donner des coups de sabots. On l'entend hurler d'ici, derrière le silence de la télé. Derrière les yeux fermés de ceux qui ne veulent pas voir, les doigts dans les oreilles pour ne rien entendre. Vous n'êtes que de la poussière, des miettes d'humanité que je balaie sous mon tapis. Z'avez qu'à crever.

La lionne a plaqué sa proie sur le sol et lui lacère les flancs, taillade la chair, tranche les veines et les artères, mord violemment au cou et arrache tout ce qu'elle peut.

Gros plan sur la gueule rouge sang de la lionne. Gros plan sur la gueule agonisante de l'antilope. Elle est morte. J'imagine le caméraman au milieu de tout ça, sentir le souffle de l'animal se faire moins chaud à chaque respiration, s'éteindre progressivement. Sûr qu'il bande et prend son pied.

Les deux autres lionnes attrapent en plein vol l'antilope marquée au laser, chacune d'un côté, l'une sur l'épaule gauche, l'autre sur le flanc droit. L'antilope fait un tour complet en l'air avant de retomber. Nuage de poussière. Tout est calme maintenant.

Le jury note sévèrement la prouesse artistique pourtant rarement égalée. TOut ça pour une histoire de politique. Une dictature qui a fait du crime contre l'humanité un sport national ne doit pas être sur le podium des jeux olympiques. Salopards, c'était une putain de figure. La plus belle de toute l'histoire du sport.

Comment ce pays a t’il pu participer au fait ? C'est quoi cette humanité ?
L'humanité ? Une connerie inventée par les riches pour emmerder un peu plus les pays du tiers monde. C'est eux les colons, les esclavagistes. C'est eux qui leur ont tout appris. Tu veux avoir le pouvoir ? Crée des monstres, et donne leur la morale, dis leur que c'est mal, tout ce qu'ils ont appris, c'est mal, tout ce qu'ils sont. Mal. Tout ce qu'ils font. Mal. Juge les, enferme les, rééduque les, et profite de tout ce qu'ils laissent. C'est bien. Le bien, c'est la caractéristique intrinsèque du vainqueur. Bien, bon, honnête, juste et morale.

Une corne de l'antilope s'est plantée dans le sol. On voit que son cou s'est brisé sous le choc. Ca a du être violent. Le caméraman n'a rien raté de tout cela. Il va devoir violer l'assistante de direction s'il veut réussir à dormir, ce soir. Peut être filmera t’il son forfait ...

Les lionnes ont chassé. Elles attendent, elles traînent les carcasses. Le lion mangera à satiété avant elles, devant elles. Elles doivent attendre. Elles devront se contenter des restes, et jamais elle ne s'en plaindront. C'est comme ça se disent-elles. Tout roi désir régner sur ce genre de lionnes. Elles se font tringler quand c'est le moment, elles s'occupent de la progéniture et vous apporte la nourriture directement dans la gueule.
Serviteurs parfaits.

J'éteints la télé, je ferme la porte derrière moi. Le ciel au dessus de ma tête est aussi impersonnel et vide que celui des émissions animalières. Mais plus sombre. Tout est toujours plus sombre, plus terne sous nos latitudes.

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